Temps pourri pour le monde

Ils sont, nous sommes, tout ignorants, des insensés, des endormis.

Pourquoi serais je troublé par les remarques de l’ignorant, qui est-il pour mieux connaitre la bonne manière de me comporter et d’agir ?

Je suis moi même ignorant. La mesure de mon ignorance est la mesure de mon savoir. Savoir consistant à mesurer l’étendu de son ignorance.

Le monde ira, le cosmos, l’univers, la nature, comme un fleuve géant, à la fois lac, fleuve, nappe, tourbillon et vide. Et de nos actions ne restera rien.

Nous vivrons dans la souffrance et nous mourrons bien assez vite.

Et dans ce monde dont l’injonction aux plaisirs, à l’obtention rapide des objets de nos désirs, tourmentent tant d’âmes, nous devrons retrouver gout au plaisir de l’ascèse. Au consentement et au contentement du moins.

Dans une décroissance porteuse de sens et de valeurs.

A contrebalancer les vices de nos tribus, nous échangerons la multiplication des plaisirs éphémère au plaisir de l’ascèse. Nous remplacerons le développement par un dépouillement et la quête du bonheur sera dans la quête de simplicité.

Car c’est de cela que je crois nos mondes ont besoin. Refuser fermement l’accumulation de confort, de richesse, d’objets, d’interactions, de paradis éphémère, artificielle, au profit du contentement du peu, du bonheur, miracle, d’être simplement en vie, de la contemplation de la nature, n’est-ce pas ? Retrouver le gout de soi pour retrouver le gout de tout.

Mais nos mondes ne le permettent pas et le canal immense que nous avons construit charrie avec autorité le dogme de l’accumulation aveugle. Faire oeuvre de résistance nous condamnes à la marginalité et aux rejets. Et notre nature le répugne. Mais le canal est puissant, et œuvrer avec résistance en son sein est un danger bien grand de sombrer tant est affiné la compréhension de notre nature dans le but de nous plier à cette définition aberrante de sens à donner à notre vie.

Nous naviguons alors clodi clodant, clopin clopant, un pied dans une godasse et l’autre à coté. Brinqueballer et chahuter par le remous des incohérences et des dissonances.

Les incohérences se font failles béantes, les mêmes qui sont sensés garder le temple sont transpercés, troués, troublés, et ne parlent plus d’une seule voix.

Les voix se font cacophonies, personnelles, et chacun y va de son opinion qui bien trop souvent n’a été soumis à aucun jugement intérieur approfondi avant d’être professé. Et l’on se sert des statuts de nos mondes pour faire preuve d’autorité, mais d’autorité nous n’avons plus rien et ils beuglent leur opinion au lieu de garder le temple.

Et le temple s’effrite et se détruit. Et dans sa mort ouvre grand la gueule, cherchant par tous les moyens à valider ce qui le fonde ; accumuler, accéder à nos désirs sans les réfléchir, soi comme objet autonome qui ne doit pas se soucier des autres soi dans sa quête effréné d’un bonheur fait de biens, de confort, inactif. Soi comme un enfant. Ce temple nous pousse à rester enfant capricieux, et cherche par tous les moyens à ce qu’on ne puisse s’émanciper de lui.

La mort du temple sera violente. Un autre naitra. Peut être pire encore, nous éloignant encore plus de nous même. Nous sommes des déracinés dans des sociétés qui tentent avec force de nous planter dans leur serres hydroponiques pour nous gaver des engrais qui nous sied en nous beuglant : “Alors ? Tu l’aimes le bonheur ?!!”

Et nous déguelons leur “bonheur”. Nous souffrons d’être ainsi hors de nous et donc hors du monde. Alors nos mondes trouvent des parades, on développe une thérapeutique et des traitements pour continuer à rester à leur monde. S’adapter à l’inhumain. Rapport au monde, Rapport aux autres, rapport à soi, une seule et même chose. Entrelacé, complexe et système. Et lorsque nos mondes, nos sociétés, le temple, je ne sais comment bien nommer, créer les jalons de ces rapports dans un cadre normatif serré, nous souffrons de ce que notre nature répugne ; l’isolement.

Le temple resserre dans sa logique implacable nos rapports.

A soi, il en fera la source de tout. Responsable de ses réussites et ses échecs, de sa satisfaction, de sa maladie, de la marche du monde.

Aux autres, il en fera des marches pieds. Des outils dont on peut se servir.

Au monde, au même titre qu’aux autres et tout comme eux, il les considérera sans valeur, sans respect, jetable.

L’acceptation, le jugement, que soi est autres, que soi est monde, que monde est soi, n’est plus. Universalisme et humanisme ne sont plus que des lettres qui s’enchainent pour donner des mots qui n’ont plus le même sens. Pourtant de tout humain, nous continuons à penser et réfléchir les mondes, les temples et les sociétés. Penser dans le cadre du temple qui nous ai donné. Et je fulminerai de ce cadre petit. Mais en philosophie, je l’accepterai comme tel, affinerai ma perception de ses dangers, ses pièges, pour naviguer en son sein en gardant vertus intactes. Et ce monde me détruira peut être, mais j’aurais gardé la tête intransigeante et le regard curieux.

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