Ceci est comme une introduction, un peu de travers, un pied dans la godasse et l’autre à coté pour entamer ce blog... C’est un texte initialement écrit en janvier 2024, un moment où j’ai eu, et ça paraissait rare, un peu de temps pour penser…
Nous naissons avec un temps limité. Et depuis 2007 (introduction du smartphone) une industrie puissante s’est organisée pour nous le voler.
Il a fallu que ma vie explose pour que je le comprenne vraiment.
Mes jumeaux de 12 ans ont subi un grave traumatisme crânien à l’âge de deux ans. L’un d’eux vit avec un polyhandicap, présentant d’importants troubles du comportement qui exigent une surveillance constante. J’ai retiré son frère de l’école face à son mal-être il y a 2 ans, diagnostiqué TSA un an plus tard. Ma fille de 17 ans, TSA aussi, est isolée depuis sa déscolarisation il y a 5 ans. Leur mère est décédée en avril 2023. Quant à moi, je suis suivi en addicto depuis six ans. Charmant tableau n’est-ce pas ? 😉
Dans ce chaos, certaines structures temporelles ont disparu : le travail, les obligations financières… Mes enfants donnent encore une structure à notre temps. Loin des normes, fait de trajets à droite à gauche pour tel rdv ou tel autre. mais entre leurs besoins, je me retrouve face à quelque chose de vertigineux : du temps libre. Du vrai temps libre, sans cadre imposé.
Et là, surprise : j’ai découvert que je ne savais plus quoi en faire.
Cette destructuration forcée m’a contraint à me poser des questions que je n’aurais jamais eu le temps d’explorer dans une vie « normale ». Quand on perd ses repères temporels, on réalise à quel point on les avait délégués à d’autres. Et surtout, on découvre l’ampleur du vol.
Car c’est bien un vol organisé. La société de consommation s’empare de notre temps avec une efficacité croissante, exploitant psychologie et neurosciences pour captiver notre attention : réseaux sociaux, défilement sans fin, séries, injonction au bonheur… Tout est pensé pour que nous ne nous arrêtions jamais.
Dans ce tumulte, seuls quelques éléments structurent encore notre quotidien : le travail, la famille, les engagements financiers. Mais en leur absence, nous nous trouvons désemparés. Disposer de temps sans savoir comment l’occuper engendre un vide immense. Nous nous précipitons alors vers des distractions qui sont le nerf de la guerre de toute une société industrielle du spectacle et de la consommation.
Ce que l’on perd, c’est du temps pour soi, du temps de repos, du temps à ne rien faire, du temps pour nous lier les uns aux autres.
Face à ma situation, les réactions varient : compassion, encouragements, peur, mutisme, éloignement, mais aussi des conseils parfois déplacés sur l’éducation de mes enfants.
💡 Petit rappel d’ailleurs à l’usage de tous : Célèbre mes victoires plutôt que de pointer mes échecs. Pour ces derniers je sais très bien le faire tout seul, pour le premier beaucoup moins, c’est là où j’ai besoin de toi !
Je me suis parfois laissé submerger, utilisant ce regard compassionnel d’autrui pour justifier mes moments de faiblesse. Mais lorsque j’accepte mes erreurs tout en reconnaissant les efforts fournis pour les limiter, je parviens à envisager notre situation sous un jour nouveau.
Et je réalise quelque chose de contre-intuitif : nous disposons de beaucoup de temps, souvent gaspillé par des distractions. Non, je ne suis pas accablé par le temps consacré à l’éducation de mes enfants. Au contraire, en considérant le temps perdu en distractions futiles, je constate que l’éducation occupe une part relativement modeste de notre temps disponible.
Alors quoi ? « Reprendre le contrôle » de son temps ? L’idée me séduit, mais j’ai comme un doute. Quelque chose me dit que ce n’est pas si simple. Que peut-être, le problème n’est pas tant de « reprendre » son temps que de comprendre ce qu’on fait vraiment avec.
Car lorsque j’essaie de résoudre les problématiques personnelles et familiales que je traverse, j’en reviens toujours au temps, sa gestion. Mais ce serait s’arrêter trop tôt que de pointer seulement cette notion. Elle s’imbrique avec d’autres comme le répit, la souffrance, l’isolement, le sentiment d’impuissance…
Je commence à soupçonner que le vrai sujet n’est peut-être pas le temps lui-même, mais ce qui nous empêche de l’habiter pleinement.
Cette découverte du « vol du temps » n’est qu’un début. Il va falloir creuser plus profond.
À suivre…